Face à la misère du Tiers-Monde, l'Occident se sent et se dit aujourd'hui coupable. L'énumération de ses péchés est impressionnante : massacres, exploitation, colonisation, pillage, génocide culturel, échange inégal… la littérature du sous-développement retentit de bruyantes confessions. Ce phénomène doit se comprendre dans une perspective d'ensemble des rapports que l'Europe, depuis les "grandes découvertes" du XVIe siècle, entretient avec les nouveaux mondes, les îles, les colonies, le Tiers-Monde, la périphérie ; on y observe les métamorphoses d'un mythe : l'exotisme, en même temps que l'évolution d'une conscience morale ; à l'un et à l'autre, l'économie fournit un alibi scientifique presque parfait et, sous prétexte d'analyser le commerce international, la mise en valeur, le développement de l'impérialisme permet de réinventer quelque distance fabuleuse, où s'expriment les états d'âme de l'Occident. Mais l'économie exotique, recueil de sagesse marchande, est aussi le lieu d'une récupération raisonnable de toute l'irrationalité, que l'aventure d'outre-mer continue d'exalter.