En un temps où il ne se passe pas de semaine sans que paraisse un livre à la gloire du général de Gaulle, le Gaullisme en question de Jean Teitgen fait entendre une note discordante. En examinant comment « le Général » a traité, entre 1958 et 1969, trois grands problèmes — la réforme des institutions, la décolonisation et la construction européenne —, l’auteur de ce témoignage passionné est surtout frappé par les hésitations, les contradictions, parfois même les incohérences qui caractérisent, selon lui, cette politique. Sévère pour le général de Gaulle, Jean Teitgen l’est plus encore pour le « gaullisme » (en tant que corps de doctrine), qui lui paraît représenter une grave déviation, dans le sens nationaliste, des idéaux de la Résistance. Cela le conduit à condamner les hommes politiques qui, idéalisant abusivement un personnage historique exceptionnel, cherchent à se couvrir d’un prestige qui ne leur appartient pas, au nom d’une fidélité à un message dont ils ne retiennent d’ailleurs que les aspects les plus contestables. L’ouvrage est précédé d’une longue préface d’Étienne Borne, dans laquelle le philosophe catholique met en parallèle ces deux phénomènes typiquement français que sont le gaullisme et le bonapartisme. Ici encore, on retrouve l’opposition entre le fédéralisme et le nationalisme, l’attachement au pluralisme politique et la condamnation de l’appel au peuple comme méthode de gouvernement.