L’auteur se cherche, se retrouve et replonge dans ses souvenirs…
"Jacques Chessex n’a jamais été un enfant : il prétend n’avoir pas connu ce bonheur, ni la nostalgie de ce bonheur. (…) Né en 1934 en terre calviniste, il a grandi sur les bords du lac Léman en simulant chaque jour la joie, la politesse, l’insouciance. Cette enfance-là n’en finissait pas : il rongeait son frein, aspirait à être un homme. À 15 ans, il découvrit l’amour, et, encouragé par son professeur, Jacques Mercanton, publia ses premiers poèmes dans sa vingtième année. C’est alors que son père, Pierre Chessex, directeur de collège, étymologiste du Pays de Vaud, se tira une balle dans la tête.
Pendant quatre jours, le fils veilla celui dont, tout à son impatience de devenir adulte, il n’avait pas su écouter le désespoir ni comprendre la violence. Je n’aurai jamais assez de regret pour sonder et revivre le regret de cet aveuglement, écrit Jacques Chessex dans un livre magnifique et déchirant, un livre d’éternel orphelin où il explore son passé avec rage, explique sa propre autodestruction par l’alcool et conclut : Il y a en moi un poids de la douleur que rien, je le sais calmement, n’épuisera.
Depuis Carabas, en 1971, Chessex n’avait pas écrit de texte autobiographique. Il s’était consacré au roman, à la nouvelle, à la poésie, à l’essai. Il s’évitait. Voici qu’il se retrouve sans s’épargner dans ce texte âpre qui témoigne d’une étonnante mémoire olfactive: odeurs de la terre, du lac, des femmes aimées, des tartes aux cerises que sa mère préparait, de la poussière de blé, odeur de son père qui agonise dans une chambre d’hôpital où son fils a laissé son âme et conçu, à tout jamais, une fascination pour l’imparfait et ses ruines." - Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur
Un roman autobiographique poignant qui ne laisse pas indifférent
EXTRAIT
À Pully la maison était austère, d’un gris foncé étrangement lumineux, sur la hauteur d’un jardin en petite pente jusqu’à la route. De l’autre côté de la route il y avait le lac, il brillait, il bougeait, il jetait ses reflets dans les chambres, on sentait son odeur en toute saison.
Au début, avant les transformations, on arrivait à la maison par une petite voie défoncée, au bas du chemin de Somaïs. À l’entrée, à droite, il y avait un grand peuplier, des bouleaux, une haie de lauriers qui faisait le tour du jardin planté de pommiers et de cerisiers.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
"Le nouveau livre de Chessex, L’Imparfait est étiqueté chronique. Et certes, le titre l’indique assez, chaque page tire sa substance d’une obsédante exploration du temps. Mais on pourrait également dire qu’il s’agit là d’une confession, d’une élégie, d’un blues. Un blues ? Non seulement on n’aura jamais lu d’aussi belles pages sur cette musique qu’à la fin de ce volume, mais le récit tout entier a le souffle et la force, et la fragilité, de cette plainte qui est un pacte avec la ruine et avec le sacré." - Didier Pobel, Le Dauphiné libéré
A PROPOS DE L’AUTEUR
Jacques Chessex est né le 1er mars 1934 à Payerne et mort le 9 octobre 2009 à Yverdon-les-Bains. Il est écrivain, poète et peintre suisse de langue française. Il est le seul écrivain suisse ayant reçu le prix Goncourt (L’ogre, 1973), mais également le prix Goncourt de la poésie en 2004. Après des études de lettres et un mémoire sur Francis Ponge, il se lance dans l’enseignement. Il écrit de la poésie depuis son plus jeune âge mais c’est le suicide de son père qui marque une coupure décisive dans sa vie. L’écriture devient alors un moyen de combler l’absence, le manque paternel.