Le premier roman de Gilles Jacob vaut à la fois par un charme emprunté à l’adolescence et par une science du récit et une subtilité qui sont déjà des vertus de la maturité. François, jeune architecte et occasionnel critique de cinéma, accepte de retourner sur la côte normande, à La Chimère, une villa de famille où il va retrouver, entre beaucoup de souvenirs, sa cousine Nathalie et ce drôle d’amour inachevé qu’il y eut entre eux. Parviendront-ils cette fois, malgré la présence d’Hélène, malgré la redoutable douceur ou fureur familiale, au bout de leur histoire ? Dans son titre volontairement tchékhovien, ce récit des « dernières vacances » d’un jeune homme qui éprouve du mal à devenir un homme jeune, nous envoûte vite. Par quels pouvoirs ? D’abord parce que le contrepoint mémoire-présent, échec-espoir, est subtilement et chaleureusement réussi. Ensuite parce que l’auteur, grand cinéphile lui-même, s’adresse de la façon la plus simple à des sensibilités d’aujourd’hui : à travers cent références, allusions, réminiscences qui, peu à peu, baignent l’histoire de François et de Nathalie dans le « musée imaginaire » des salles obscures, c’est-à-dire des cœurs contemporains... Cette façon de mettre le capital sentimental d’un art (le cinéma) au service d’un autre (le roman) est une des charmantes inventions de Gilles Jacob. Pour le reste, dans une tradition qui irait en effet de Tchékhov à Fitzgerald, il conte à mi-voix — comme on raye de l’ongle une surface très sensible — une histoire assez déchirante.