Au Congo belge, dans les années 1950, Léo, un jeune métis, est adopté par Harry Wilson, un homosexuel américain en mal de paternité. Celui-ci et sa « servante » Mama Malkia, opulente Africaine au cœur d’or et « forte en gueule », forment une famille adoptive improbable et singulière qui comble « leur fils » d’affection. Mais bientôt Léo est envoyé à l’école dans un établissement pour Européens…
La thématique de ce beau roman, écrit avec délicatesse, est à la fois riche et réaliste : l’univers colonial tel que le vivent les trois protagonistes différents de par leurs origines raciales et géographiques ; la quête d’identité qui caractérise le cheminement de Léo, jeune métis pris entre deux mondes ; l’homosexualité de Harry, cause de son exclusion du cercle des colons ; la « désafricanisation » de Mama Malkia, pourtant toujours noire aux yeux de tous ; et la décolonisation, l’atmosphère du Congo belge à la veille de l’indépendance… Dans ce triple récit, chacune des voix nous parle de sa difficulté à vivre sa différence, nous livre sa vision de l’époque coloniale dans un questionnement sans outrance, mais sans compromis.
EXTRAIT
Il était décharné et ses yeux étaient si rouges qu’ils semblaient avoir été frottés avec du papier de verre. Il portait une combinaison kaki trop grande pour lui d’au moins deux tailles. Son attitude agressive contrastait avec la pauvreté de son apparence. Il se mit à secouer ma bicyclette pour me l’arracher et, ce faisant, il cogna le cadre à plusieurs reprises avec sa barre de fer, produisant un fracas qui me devint insupportable. Si, au lieu de maltraiter ma Flandria, il m’avait battu, je crois que j’aurais déjà déclaré forfait, mais cet enragé de kapita allait casser ce que j’avais de plus précieux.
Les yeux pleins de larmes, je hurlai.
— Lâche ça, lâche ou je te tue !
À ce moment, il tomba en arrière avec la bicyclette. Je parvins à la lui arracher avant qu’il n’eût le temps de se relever et de faire une tentative pour m’attraper. Je pris la fuite dans l’obscurité qui m’enveloppa bientôt, emportant l’image du kapita, étendu sur le ballast et qui me lançait des malédictions :
— Maudite soit la chienne qui t’a porté dans son sein, niama, bâtard puant de la plus basse espèce. Que la semence de ton père se change en poison. Honte à tes ancêtres et à toute leur race !
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Roman de toutes les douleurs et de tous les combats suscités par les différences, qu'elles soient sexuelles, sociales, raciales, Sang mêlé n'est jamais tragique mais toujours violent. Un roman qui incite au courage : affirmer sa liberté, ne pas masquer la vérité, ne pas faire le jeu sournois de la culpabilité. Un roman fort, très bien écrit, un hymne optimiste. - Blog Culture et débats
Les trois personnages content de trois manières différentes leur vision du Congo pendant la période coloniale. Tous ces parcours se réunissent en la personne même de Kitoko Léo, personnage éponyme du livre symbole de diversité et d’amour sans frontière. On ressent l’intensité des émotions. L’écriture est douce et profonde. - Blog Chrisylittérature