L’un des gestes les plus naturels, comme celui de la course à pied, est en fait un objet culturel complexe, le produit d’une œuvre collective qui permet aux individus d’explorer leur propre corps et d’en transformer la matière même. Par leurs actions et leurs interactions, les principaux acteurs du milieu sportif (athlètes, dirigeants, techniciens, spectateurs) sont parvenus à mettre en scène l’effort physique et à le mettre en forme. Des mécanismes de contrôle social ont joué pour coordonner leurs initiatives et déboucher sur des règles qu’une nouvelle rhétorique de l’effort peut, cependant, faire évoluer. Le geste sportif participe également d’une quête de significations anthropologiques. En effet, l’homme n’est parvenu à courir comme un homme qu’en réalisant des transferts de connaissances et de technologies en accord avec sa représentation des traits qu’il partage en commun avec l’animal et/ou la machine, et des indicateurs spécifiques de son espèce. Un tel dilemme est au cœur des luttes qui traversent le milieu sportif, en particulier celles qui opposent les groupes d’amateurs et de professionnels pour obtenir le monopole des symboles. Mais, c’est aussi l’occasion de produire des rites qui permettent aux individus d’affronter l’inconnu et de conjurer le sort pour être en mesure de déployer leurs efforts, et sur lesquels se fondent les pratiques d’entraînement.