Qu’il écrive ou qu’il dessine, Philippe Jullian est avant tout intéressé par les objets, les tableaux, les meubles, les bibelots, par tout ce qui peut établir une communication quasi médiumnique entre le passé et lui, peut-être parce qu’il a été élevé par ses grand-mères dans une ville à l’opulence ancienne : Bordeaux. Il compare sa mémoire à un vaste grenier où s’entassent, avec les souvenirs d’une enfance vécue à l’ombre d’un grand-père illustre historien, ceux de nombreux voyages, avec leurs rencontres délicieuses ou scandaleuses, toutes les images glanées au cours de ses reportages et ses expériences de la Salle des Ventes, qui est son Casino. Du grenier à la brocante, il n’y a qu’un pas, et Philippe Jullian imagine des boutiques fantasques. Aussi bien dans ses dessins que dans ses romans, il traite les meubles avec plus d’indulgence que ceux qui s’en servent. Certains passages de ce livre rappelleront les Mémoires d’une Bergère, d’autres le Dictionnaire du Snobisme. La passion de la cocasserie, de l’inutile, de l’équivoque, autant qu’un goût de la beauté font de ce livre le catalogue de tout ce qui a pu retenir un curieux, en même temps que les mémoires d’un esthète. La verve du crayon vaut celle de la plume dans des portraits de personnages plus honorés qu’honorables, trafiquants de chefs-d’œuvre.