Il n’est question plus discutée aujourd’hui que celle de la valeur de la civilisation occidentale. Sous le nom de “civilisation de consommation”, elle est mise en contestation par toute une jeunesse. Certains pensent qu’elle est appelée, tôt ou tard, à s’abîmer dans le gouffre de l’histoire dont a parlé Paul Valéry. Ce qui distingue la civilisation occidentale des quelque vingt autres reconnues par A. Toynbee, c’est qu’elle est la seule qui se soit révélée progressive, c’est-à-dire qui ait conçu la possibilité d’améliorer sans cesse la condition humaine, « en nous rendant comme maîtres et possesseurs de la nature » par la connaissance de ses lois. Les autres civilisations sont tournées vers le passé. Elles cherchent à maintenir un perpétuel statu quo. La civilisation occidentale est le résultat d’une mentalité qui répond aux défis de l’existence en cherchant à les surmonter à force d’intelligence et de courage. Cette mentalité, que l’auteur appelle le Génie de l’Occident, s’est constituée lentement par une série d’efforts cumulatifs et convergents. Au départ, il y a le rationalisme grec qui substitue aux routines empiriques des Orientaux les sciences théoriques et démonstratives, en découvrant la vertu du raisonnement déductif. Les Grecs démythisent la nature et l’histoire. Ils aspirent à n’obéir qu’à des lois qu’ils ont librement discutées et votées. L’ordre romain tend à pacifier les peuples par le droit et réalise le premier essai d’œcuménisme. La civilisation gréco-romaine subit le handicap de l’esclavage qui lui fit mépriser les arts mécaniques et les sciences appliquées. Pour lever ce handicap, il a fallu la révolution sociale du Christianisme. Celui-ci proclame l’égalité naturelle de tous les hommes et réhabilite le travail artisanal. Mais les découvertes techniques médiévales qui en sont le résultat sont plutôt l’effet de l’empirisme que de la science appliquée. Il en va autrement avec la révolution scientifique des XVIe et XVIIe siècles. Au contact des œuvres scientifiques des Anciens, retrouvées, la science repart, mais avec l’exigence nouvelle d’être utile à l’homme et d’améliorer sa condition. C’est l’idée de progrès que favorise la substitution de l’humanisme de la Renaissance au théocentrisme du Moyen Age. La révolution scientifique n’aurait pas donné naissance aux sociétés techniciennes d’aujourd’hui sans l’éthique nouvelle introduite par la Réforme, sans la découverte des lois du marché, sans la première et la seconde révolutions industrielles, sans les révolutions politiques aboutissant à la conception libérale de l’État, fondée sur la reconnaissance des droits de l’homme, la liberté d’expression, le choix des gouvernants et le vote des lois par des procédures démocratiques respectant en un chacun la dignité humaine. L’auteur étudie pourquoi les civilisations autochtones de l’Inde, de la Chine, de l’Islam ne sont pas parvenues à l’idée de progrès avant l’arrivée des Européens et à quoi est dû fondamentalement le sous-développement de certains peuples. Le progrès suscite de nouveaux défis qui en sont moins la rançon que le moteur. C’est l’obligation de les surmonter qui amène l’humanité à se surpasser continuellement.