Comment peut-on être professeur ? C’est la question que se posent des milliers de Français, presque chaque jour, en lisant des articles sur la crise de l’enseignement. Georges Magnane s’est demandé comment il vivait et comment vivaient des hommes qui, jour après jour, font le même travail que lui. Il n’a pas essayé de tout dire, mais il n’a donné la parole qu’à des hommes dont chaque geste et chaque pensée révèlent qu’ils sont le centre et le cœur du problème. Ses personnages principaux, aussi bien Jorasse, le professeur de philosophie trop doué, qui ne peut s’empêcher d’abuser de son pouvoir sur les adolescents (et surtout sur les adolescentes), que Larivière le mal orienté, le « chahuté » qui se laisse dévorer, ou que Dumas l’homme équilibré qui cherche et sait trouver la voie la plus efficace, nous surprennent parce qu’ils n’ont rien de « littéraire ». Nous les voyons souvent dans leur vie quotidienne, à leur lycée. Puisque l’homme n’est pleinement l’homme que là où il travaille, ils nous révèlent l’essentiel d’eux-mêmes comme du métier qu’ils font et qui les fait ce qu’ils sont. Outre les habituelles relations, de camaraderie, ces trois protagonistes sont victimes, chacun à sa façon, de la jeunesse qu’ils devraient guider. Aucun résumé ne donnerait une idée juste de cette peinture très riche, où chaque détail compte autant que l’ensemble. Jorasse n’est pas seulement un don Juan universitaire, ni Dumas un intellectuel trop sollicité, ni Larivière, le « pauvre type » que son père voyait en lui. Tous sont de vrais professeurs : des hommes qui, malgré leurs erreurs, mènent un combat désespéré pour persuader l’adolescent d’accepter la condition humaine, sans pour autant tarir en lui les sources vives de l’enfance.