« Notre époque, ce n’est qu’un mouvement !... » écrivait Maurice Sachs définissant les années qui suivirent la fin de la première guerre mondiale. Au sortir de quatre années de larmes et de sang, les gens redécouvraient le plaisir de vivre et se libéraient des contraintes aussi bien morales que sexuelles ou vestimentaires. Durant dix ans, de la création de « Parade » au krach de Wall Street, les mouvements artistiques se succédèrent tels des météores : dadaïsme, néo-cubisme, surréalisme, purisme, abstraction... tandis que toutes les classes sociales mêlées découvraient le jazz, les cocktails, les sports d’hiver, le midi, l’été, les robes-chemises et les cheveux courts dont Poiret, Cocteau, Chanel étaient les initiateurs. Ces années que les Français appelèrent les « années folles » et les Américains les « golden twenties » furent à la fois folles et dorées : le siècle, au fort de son âge, dans un bref moment l’exaltation fit étalage de tous ses dons. Nous vivons encore dans une large mesure sur les idées et les modes de ce temps-là. J.-P. Crespelle donne ici le second volet d’un diptyque dont le premier fut consacré aux « Maîtres de la Belle Époque ». Après 1918, les peintres académiques, les « pompiers », ont été emportés par les tourbillons de la guerre, ils ne comptent plus. L’avant-garde, méprisée dix ans plus tôt, triomphe et l’on assiste à une explosion créatrice d’une intensité comparable à celle de l’impressionnisme cinquante ans plus tôt. Les nouveaux maîtres s’appellent Picasso, Van Dongen, Dufy, Picabia, Marcel Duchamp, Max Ernst, Salvador Dali, Fernand Léger, Le Corbusier, Gromaire, Brancusi... Moment unique où l’avant-garde jouit de l’appui des classes fortunées et crée pour elles des fêtes qui sont autant de manifestes artistiques. Dans cette étude ramassée, vivante, nerveuse, à l’image de l’époque qu’il décrit, J.-P. Crespelle trace le panorama de ce moment fécond de l’art français à jamais marqué par le sceau de la jeunesse.