L’emploi du raisonnement par l’absurde a été source de contestations au cours de l’histoire des sciences. On en propose d’abord ici une définition qui puisse subsumer tous les cas particuliers, puis on montre comment un tel raisonnement indirect peut se retourner en un raisonnement direct qui lui soit logiquement équivalent, ce dont Aristote avait déjà pressenti la possibilité. Cette équivalence des deux procédures incite alors à chercher les raisons pragmatiques qui conduisent à privilégier l’une ou l’autre selon les problèmes ou leur contexte. Tantôt présent, tantôt absent, ce mode d’inférence peut jouer un rôle de révélateur dans l’histoire des mathématiques. Des exemples empruntés à Euclide ou à Archimède, aussi bien qu’à Cantor et aux logiciens modernes, viennent le confirmer. Les résultats obtenus sont l’occasion d’un retour critique sur la faveur ou la défaveur que le recours à l’absurde a rencontrée chez des philosophes comme Platon, Aristote, Descartes, Pascal, Spinoza ou Kant. Structurale et épistémologique, mais constamment référée à l’histoire, la présente étude est de celles qui recherchent dans les conditions mêmes de la connaissance mathématique l’explication de la forme que peut y prendre l’appareil de la preuve.