"Nul être ayant reçu le don précieux du bonheur, si attentivement qu'il veille sur ce trésor, n'aperçoit à quel moment il commence à le laisser fuir entre ses mains. Comme le jour se change en nuit, l'été en hiver, insensiblement la joie se change en peine, la plénitude en privation. Plus tard seulement, quand son malheur est chose accomplie, l'âme démunie, en se tournant vers son passé, y discerne les premières ombres qui s'étendirent sur sa destinée, l'heure qui marqua le début de sa ruine. Mais tout incident, tout événement, et le choix qu'on fait d'une direction ou d'une autre semblent toujours, dans le présent, dénués d'importance. Le nom d'Évolayne, lorsque Adélaïde Adrian l'entendit prononcer au cours d'un voyage, ne lui inspira nulle appréhension. C'était le nom d'un pays étranger qu'elle désira connaître. Rien ne l'avertit qu'il fallait à tout prix l'éviter."
À PROPOS DE L'AUTEURE
Paule Régnier, née à Fontainebleau (Seine-et-Marne) le 19 juin 1888 et morte à Meudon (Hauts-de-Seine) le 1er décembre 1950, est une femme de lettres française, lauréate du Grand prix du roman de l'Académie française en 1934. Son roman La Vivante Paix obtient le Prix Balzac en 1924, Heureuse faute obtient le Prix Paul Flat de l'Académie française en 1929 et L'Abbaye d'Évolayne obtient le Grand prix du roman de l'Académie française en 1934. Après son suicide en 1950, une partie de son journal (de 1921 à 1950) est publié chez Plon en 1953. La Bibliothèque municipale de Charleville-Mézières conserve, dans son fonds Paule-Régnier (cote Ms 471), quatre cahiers supplémentaires, datés de décembre 1910 à 1935.