Dans “La Nouvelle Race”, Michel de Saint Pierre publiait, l’an dernier, les résultats d’une vaste enquête menée durant plus de deux ans auprès de notre jeunesse scolaire et estudiantine. Le succès du livre fut considérable et immédiat, et l’on peut y voir la preuve que le problème des jeunes intéresse et inquiète le public. "La plupart d’entre ces garçons et ces filles ne trichent pas", disait Michel de Saint Pierre, en guise de conclusion. Et pourtant, aujourd’hui, c’est la faune des blousons noirs, voire des délinquants juvéniles, qu’il est venu chercher. Car si, dans sa majorité, la jeunesse française lui semble de bon métal, il n’en est pas moins vrai que les violences la sollicitent — et que, par la faute de l’État, de la société, des parents, des éducateurs, la petite tache noire des adolescents dangereux va s’élargissant... D’une part, la politique a brusquement envahi la vie estudiantine, bouleversé les Facultés, les collèges, — parfois, même, le plastic a remplacé la dialectique. Et surtout, au sein des établissements où l’on enseigne, le jeune nationalisme et le jeune communisme s’opposent, dans une atmosphère de tension croissante. D’autre part, à côté de la jeunesse "normale" (qui est elle-même passablement déboussolée) existe une jeunesse de l’ombre, vivant dans un monde à part qu’elle s’est créé : elle se replie sur elle-même et se tait ; puis, tout à coup, s’exprime en termes de violence. Blousons noirs, gris ou dorés, chaque jour, pillent, frappent, détruisent, tant à Paris qu’en province. Le fait est qu’en 1954, 13.000 garçons et filles mineurs sont passés en justice ; en 1960, ils furent 26.000, soit exactement le double. Combien seront-ils en 1970, si l’on ne supprime pas les causes profondes de ces excès, de ce désespoir ? Michel de Saint Pierre veut tenter de répondre à ces questions d’une manière constructive — non sans dresser l’impressionnant tableau d’un danger trop souvent méconnu...