Le dictionnaire fait figure d’autorité : il dirait le droit des usages langagiers dans le commerce des mots au sein d’une société établie. Tel mot doit ou peut se prendre dans telle ou telle acception pour signifier telle chose dans telle circonstance. Tel mot doit s’écrire et se dire selon telle règle d’usage quelle que soit la circonstance. Le dictionnaire serait-il donc « un prêt à parler » ? Pour tenter de répondre, nous avons construit une lecture du dictionnaire selon la problématique d’une analyse du discours engagée sur les pistes ouvertes par M. Foucault et M. Pêcheux. Aussi avons-nous donné aux premiers dictionnaires monolingues du français un statut d’événement. Événement discursif parce que, dès leur apparition, ils ont été l’instrument d’une politique de la langue. Événement linguistique, parce qu’ils ont constitué le « corps » de la langue et, par là, contribué à la formation d’une conscience linguistique des sujets parlants. Nous avons donc ouvert les dictionnaires comme lieu d’expérimentations d’une écriture du sens. Écriture qui se voudrait réglée par une théorie voilée du lexique mais qui se règle autrement dans la diversité des pratiques discursives mises en œuvre dans le texte des articles. Aujourd’hui, consulter le dictionnaire revient à se frayer des « chemins de traverse » dans un réseau d’énoncés de définition, d’exemples et de domaines d’usage dont les effets de sens échappent à une maîtrise absolue du sens.