"Nul ne peut se reconnaître tout à fait dans l'effigie que le miroir de la réflexion lui renvoie de lui-même. (...) Ce sont les autres qui me révèlent à moi-même." Narcisse a seize ans. Il a le cœur pur. De crainte que son propre regard ne vienne ternir cette pureté, on lui a prédit qu'il vivrait longtemps s'il acceptait de ne se point connaître. Mais le destin en a décidé autrement. Le voilà qui se dirige pour apaiser sa soif innocente vers une fontaine vierge où personne encore ne s'est miré. Il y découvre tout à coup sa beauté et n'a plus soif que de lui-même. C'est sa beauté qui fait désormais le désir qui le tourmente, qui le sépare de soi en lui montrant son image, et qui l'oblige à se chercher lui-même où il se voit, c'est‑à‑dire où il n'est plus.Le philosophe Louis Lavelle, dans cette série de méditations qui peuvent être lues indépendamment les unes des autres, interroge à la fois l'individualisme contemporain et la notion de construction identitaire en soulignant que tout comme ce fut le cas pour Narcisse, le moi est menacé de mort lorsqu'il est trop centré sur lui-même. C'est vers les autres que nous devons apprendre à nous tourner car ils nous sont indispensables afin de pouvoir nous révéler à nous-mêmes.Cette édition contient une préface inédite rédigée par Daniel Pujol, docteur en ethnologie.