Elle s’appelle Barbara et Mireille. L’une est connue. C’est son nom public : de prostituée. Barbara refusait que des femmes soient livrées une à une — avec la complicité silencieuse de tous — à la violence des clients et des policiers, à la tolérance implicite et la répression explicite de pouvoirs politiques cyniquement irresponsables. Elle a voulu, avec d’autres, que ces femmes se rassemblent, sortent de leur peur et misère individuelles, et expriment ouvertement, ensemble, quelle est leur condition. Ce fut l’occupation de l’église Saint-Nizier, le mouvement des prostituées de Lyon, puis de France. Cette rencontre des prostituées entre elles a permis à chacune de commencer à dire « non » à ce qui lui était imposé comme « normal ». Et à se retrouver ce qu’elle était : une femme parmi d’autres, et pas seulement un rôle, une fonction, une image, liés à un commerce à la fois entretenu et méprisé par l’ordre social. Elles s’appellent Mireille et Christine. Deux femmes, dont l’autre écoute l’une, qui enfin peut ainsi raconter comment, depuis toujours, elle est partagée. Enfant de l’Assistance publique, confiée à un couple sans tendresse, petite fille de neuf ans violée par son « beau-père » puis enfermée en hôpital psychiatrique pour « son » agressivité, adolescente placée dans une maison de « protection » pour mineurs, jeune fille qui se venge de son violeur et se retrouve en prison pour quatre ans, mère célibataire qui, pour élever ses enfants, accepte de se prostituer. Ce livre n’est pas un roman, ni un écrit littéraire sur la prostitution. C’est le récit de la vie d’une femme simplement dite à une autre femme qui a su l’entendre. Ainsi commence l’autre minuit. Celui où les femmes sortent de leur isolement et leur enfermement. Où elles se rapprochent, parlent d’elles : ensemble. Refusant que leurs corps, leurs paroles, leurs désirs, leur travail soient asservis, exploités et niés par un ordre et des institutions déterminés par les seuls hommes.