Il est devenu banal, en France notamment, d’affirmer que l’islam, dans son essence, englobe et confond le spirituel et le temporel, l’Église et l’État. Vie privée, individualisme, démocratie parlementaire et « État de droit » — et donc modernité politique et modernisation sociale — resteraient étrangers aux musulmans dès lors qu’ils ne renoncent pas à leur religion et même à leur culture. Pourtant, très tôt, les théologiens musulmans ont forgé une Grande Tradition qui sépare le pouvoir politique de l’autorité religieuse. L’orthodoxie islamique contemporaine, héritière « fautive » d’un timide réformisme développé à partir du XVIe siècle, rompt en partie avec cette Tradition longue, plus ouverte, et les extrémistes islamiques, tant sunnites que chiites, poussent ainsi à sa limite une « Tradition courte », qui n’est en réalité qu’une déviance. Face au danger que les islamistes représentent et qu’ils induisent dans les États policiers qui les combattent, est-il possible que l’appareil international de l’islam reprenne le cours de la Grande Tradition en matière politique ? Peut-il renverser sa position en faveur d’une sécularisation et d’une autonomie véritable du politique ? Les juristes sont-ils capables de sortir de la sharî’a pour reprendre source dans le Coran fondamental ? Autant de questions auxquelles Olivier Carré tente de répondre en portant un regard nouveau sur l’islam, un regard « de l’intérieur », plus éclairant, analysant les sources, les principes moteurs, les rapports avec l’Histoire et la politique de cette religion qui englobe toute l’activité humaine.