Nous sommes tous des Portugais. Foyer et forum d’une libération, laboratoire d’un socialisme pour l’Occident, le Portugal est dans l’Europe le centre de tous les débats, l’objet de toutes les passions. Peut-on sans violence passer du fascisme à la démocratie ? Peut-on faire la révolution dans la liberté ? Peut-on bâtir le socialisme en respectant la pluralité des courants, des partis et des tendances ? Les questions essentielles que pose et auxquelles répond partiellement la « révolution des œillets », Mikhaël Harsgor, historien israélien spécialiste des civilisations de l’Europe occidentale, les traite non en théoricien ou en militant mais en conteur et en reporter vivant et superbement informé. Son récit de l’effondrement du vieux système que le Dr Caetano avait tenté médiocrement de faire survivre à Salazar, son évocation de la décolonisation d’un empire séculaire, le tableau qu’il brosse des luttes idéologiques entre socialistes et communistes portugais, entre la vieille armée et le COPCON, entre Spinola et Carvalho, sont autant de pages d’histoire pétillantes d’intelligence, colorées comme les églises baroques de Lisbonne. Un nouveau Portugal ? Oui. Quoiqu’il arrive, écrit Harsgor, un peuple aura arraché son bâillon et prouvé au monde qu’après la nuit du fascisme vient l’aurore, qui ne signifie pas forcément la paix mais témoigne de la vie.