Certains sont privés d’emplois parce qu’ils sont de telle race, ou de telle nationalité, ou parce qu’ils affichent telles opinions politiques ou telles croyances religieuses, ou parce qu’ils adhèrent à tel syndicat. D’autres voient le secret de leur vie privée violé au nom de l’intérêt de l’entreprise. D’autres font l’objet d’enquêtes de police privée, de manœuvres diffamatoires ou humiliantes, d’écoutes téléphoniques. D’autres, encore, perdent leur travail parce qu’ils ont eu l’audace ou l’inconvenance de critiquer la gestion de l’entreprise... Lorsque Montesquieu écrivit que tout détenteur du pouvoir est tenté d’en abuser, sans doute ne songeait-il qu’au pouvoir politique. Aussi est-il de coutume de n’examiner les libertés, de l’individu que dans ses rapports avec l’Etat. Or la liberté telle qu’elle a été conçue depuis la Déclaration de 1789 a créé et consacré de véritables pouvoirs privés. L’entreprise capitaliste qui en est le fruit est le siège d’un tel pouvoir, aussi redoutable pour la liberté individuelle que la puissance politique ; plus redoutable même, si, par la défaillance du Droit et de la Justice, il aboutit finalement à la reconstitution d’une sorte de féodalité. Ce qu’examine ce livre qui, à l’heure sans cesse annoncée de la “réforme de l’entreprise”, souhaiterait pour le moins y voir faite, en cette fin du XXe siècle, la Révolution de 1789...