Entraînée dans la dislocation d’une culture qui s’effrite, la réflexion chrétienne hésite à rassembler ses esprits : elle abonde plutôt dans le sens de la critique, et provoque par réaction le regain d’un piétisme qui survit en fermant les yeux. La négation devrait-elle s’adjuger le monopole de l’engagement, alors qu’elle succombe souvent dans le conformisme ? Au lieu de vouloir élaborer une « Somme » dont l’heure ne semble guère venue, n’est-il pas urgent de reprendre souffle pour que cesse cette dissociation de l’intelligence et du sentiment ? Distinct d’une critique stérile, le discernement spirituel s’est toujours proposé une clairvoyance positive. Encore faut-il l’appliquer à un homme qui ne se réfugie plus dans la seule intériorité. Le corps, la psychologie, la société politique sont les lieux actuels où l’existence fait question. C’est dans une telle anthropologie que nous devons approfondir, à frais nouveaux, des expressions banales — présence de Dieu, Parole de Dieu, volonté de Dieu, amour de Dieu, expérience de Dieu, peuple de Dieu — dont la pseudo-évidence cache bien des obscurités. Il est vain et peu courageux de remettre à demain les affirmations : s’il y a un sens, il ne peut être question de délai.