Le processus d'émergence, de structuration et d'institutionnalisation de la nouvelle médecine clinique, dite moderne, qui prend place en Europe à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle représente une rupture sans précédent avec une tradition hippocratico-galénique vieille de près de vingt-trois siècles. La recherche, l'enseignement et la pratique ont désormais pour cadre central l'espace hospitalier, qui devient le champ principal de l'expérience clinique.Se démarquant résolument des thèses généralement reçues, la présente étude démontre que ce processus ne saurait être réduit à ce qui s'est passé à Paris, après la Révolution et la fin de l'année 1794, ni à ce qui a été opéré par ce qu'il est convenu d'appeler l'École Clinique de Paris au cours des deux ou trois premières décennies de son existence. C'est en fait par un jeu complexe d'interactions et d'échanges constants de modèles (de politique médicale d'un côté, de techniques et de concepts de l'autre) entre les diverses écoles médicales des différents pays européens que s'est opérée cette révolution scientifique capitale de la médecine, révolution qui touche autant les savoirs que les pratiques.Professeur titulaire au Département d'histoire de l'Université de Montréal, Othmar Keel est l'auteur de nombreux travaux sur l'histoire de la médecine en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles et sur l'histoire de la santé au Québec. Il a publié, entre autres, La généalogie de l'histopathologie (1979) et La santé publique au Québec (1988).