Les idéologies agonisent, l’imaginaire — qui fut leur aliment divin — s’est tari et les hérauts de l’idéal sont fatigués. Mais cette fin de cycle est-elle un retour en arrière, à l’avant-68, au temps des silences et au poids des choses ? Quittant la scène où l’on brûle à petit feu et à grandes flammes les rêves d’une décennie, Mouléman Marlopré est allé flâner aux quatre coins de l’hexagone, avec une seule question : « Et pour vous..., la société idéale, ce serait quoi ?... », juste pour réamorcer la pompe de la parole. Un auteur, qui n’arrête pas de revenir lui-même d’une Histoire, se retrouve éparpillé dans une foule d’énoncés incodifiables, en marge des autocritiques sans faille comme de la sociologie chiffrée. Un voyage où les chuchotements qui se sont levés sur ses pas rencontrent l’éclat de ses souvenirs ou la froideur de ses déceptions. Où l’on découvre quelques-unes des figures inattendues sous lesquelles les images de l’idéal d’après 68 ont été saisies, digérées, intégrées jusqu’à devenir des évidences... mais pas toujours les mêmes pour tout le monde. Où l’on voit comment l’Idéal a perdu de son piment et de son mystère, comment par procuration les médias ont fait vivre à tout le monde le voyage de l’écologie à l’austérité, de l’autogestion à l’autocensure, des communautés aux sectes et des rapports libérés à l’ennui. Tout le monde est plus ou moins « dans le coup » mais plus personne n’« y » croit. Tout autour de l’autoroute Révolution-Désillusion se dessine un paysage de consciences mélangées, où chacun habille ses rêves au marché aux puces, attife son idéal comme Arlequin avec des secrets de Polichinelle.