Depuis vingt ans, la victoire des indépendances a été vécue comme une renaissance et une nouvelle jeunesse conquises sur la fin des empires coloniaux. Où en est-on aujourd’hui ? Ce que Désenchantement national met courageusement en évidence c’est, au contraire de toutes les espérances, la dégradation politique et l’aggravation de l’aliénation sous toutes ses formes (sous-développement, etc.) dans les pays du "tiers-monde". D’où vient cette dégradation ? Ce qui fait l’originalité — et l’importance — de ce livre est de briser la vision caricaturale et simpliste qui consiste à attribuer systématiquement les échecs, les oppressions, les misères de la société décolonisée à des forces extérieures : l’hégémonie occidentale, le jeu de l’exploitation impérialiste… etc. Avec lucidité, l’auteur découvre les mécanismes d’un nouveau nationalisme d’État qui fait surgir, après le départ du colonisateur, ses propres rapports de domination au sein de la société. Elle-même citoyenne de la décolonisation, l’auteur décrit de l’intérieur une société qui sécrète sa bureaucratisation, son appareil conservateur, ses formes d’immobilisation. Elle démasque l’idéologie nationale elle-même comme un nouveau discours d’oppression. Elle décrit la mort du nationalisme comme conscience. Le thème de l’identité apparaît ainsi, non plus comme une force de libération, mais comme l’instrument d’un enfermement intellectuel, d’une uniformisation politique sans précédent. Ce livre est plus qu’un essai politique : il rend compte d’une expérience intérieure, d’une réalité vécue. À partir de l’exemple concret de la Tunisie, il atteint des accents universels pour donner l’essentiel d’une crise qui frappe tous les pays du tiers-monde. Il était temps qu’un livre aussi lucide, sur une société du tiers-monde, sorte des sentiers battus du confort intellectuel sentimental et ouvre enfin le débat.