– Anne ! Debout ! La classe tout entière attend. Petits fauves aux aguets, ennemis soudain, prédateurs. Elle dit, la maîtresse : – Tu as encore grossi. Tu es grosse, Anne ! Obèse ! Je voudrais fuir. Ne plus sentir la brûlure de leurs regards sur mon corps, mon pauvre : corps impudiquement dévoilé par les mots terribles de cette institutrice. Mais je suis rivée là. À leur merci. En ce temps-là, je n’avais que huit ans. Je n’étais qu’une petite fille brune de la banlieue parisienne, avec de grands yeux noirs et une queue-de-cheval. J’avais cru être comme les autres, les petites filles de huit ans. Jusqu’à ce que la maîtresse m’apprenne que j’étais différente. Que j’étais grosse. Obèse.