Si l’on affirmait qu’avant de concevoir le projet de traverser l’Atlantique, seul, sur un bateau dessiné par lui, Jean Lacombe n’avait jamais vu la mer, on exagérerait à peine. Ce Parisien, ouvrier maroquinier de son état, n’a jamais navigué, sur un dériveur de quatre mètres, qu’entre le Pont de Saint-Cloud et le Pont de Suresnes ; il ignore tout de la navigation en haute mer. Mais il estime plus amusant de gagner New York par ses propres moyens que d’embarquer à bord d’un transatlantique. Il commence par dresser lui-même les plans de son bateau ; il le veut solide et habitable plus qu’élégant et, lui qui n’entend rien à la construction navale, il retrouve d’instinct les formes les plus traditionnellement marines : de cet Hippocampe sorti du cerveau d’un amateur, Jean Merrien souligne dans sa préface les admirables qualités. Lorsque, le 20 avril 1955, Jean Lacombe quitte le port de Toulon pour la grande aventure, c’est avec, pour toute réserve, deux pains d’une livre. À peine sait-il se servir du pauvre matériel de navigation qu’il a acheté au marché aux Puces. Le métier de marin, il va l’apprendre, jour après jour, de Toulon à New York en passant par Barcelone, Les Canaries et Porto-Rico. Et, toujours candide et ingénu, il a, lorsqu’enfin il touche au port, ce mot qui le dépeint tout entier : « Et maintenant, je commence à savoir un peu me servir d’un bateau. » L’aventure de Jean Lacombe apparaît comme un bel exemple de courage simple et tranquille. Elle est aussi une source inépuisable de leçons pour tous ceux qui veulent, sinon suivre les traces des navigateurs solitaires, du moins naviguer. Jean Merrien avec autant d’humour que de compétence, relève en marge les fautes de l’apprenti marin, les commente, les corrige. À l’écouter tous ceux qui aiment la mer et les bateaux apprendront beaucoup. Et tout le monde prendra le plus vif plaisir au récit des mésaventures du petit maroquinier parisien, le plus ingénu de tous les navigateurs solitaires.