Borghese

Celui que l’on surnommait "le Prince noir" est probablement l’un des personnages les plus mystérieux et les plus controversés de ces trente dernières années. Pour certains, il était l’un des chefs actifs et redoutables de cette fameuse et mythique "Internationale noire" qui a fait couler tant d’encre, et dont on croit déceler un peu partout les ténébreuses machinations. Il était surtout, et beaucoup plus vraisemblablement, le seul homme sans doute capable de ressusciter le fascisme en Italie. Etrange et complexe engagement, que celui de ce « condottiere », héritier de l’un des plus grands noms de la péninsule, l’un des héros indiscutables de la Seconde Guerre mondiale, promoteur génial d’une arme que toutes les marines du monde se sont empressées de copier, et que sa loyauté, son sens intransigeant de l’honneur et du respect de la parole donnée, allaient précipiter au secours d’une cause déjà perdue puis, d’aventure en aventure, jusque dans l’illégalité, la clandestinité, la conquête violente du pouvoir et l’exil. Le livre de Pierre Demaret est, à ma connaissance, le premier, vraiment consacré au "Prince noir". Retraçant — avec quel brio ! — la fantastique épopée des hommes-torpilles et s’attachant à faire toute la lumière sur l’aventure politique et clandestine de Valerio Borghese, son grand mérite est aussi de tracer de celui-ci un saisissant portrait moral et psychologique, et de nous livrer les clés et les motivations d’une action qui fit, dans les années 1970, sourdre la crainte au sein de l’édifice vermoulu de l’Italie démocrate chrétienne. Jean-Michel Charlier