« Cette analyse se situe à l’écart des contestations globales et somme toute assez confortables où la folie n’apparaît que comme une cible, l’asile comme un signifiant stratégique qui ne doit sa valeur qu’à sa charge affective, à sa portée symbolique ; enjeu dans un discours, dans une logique, l’asile trouve le même poids de scandale que l’université pour un bien-pensant. Mais rien n’exempte de nous confronter à la folie, la nôtre et celle des autres, rien ne nous délivrera d’avoir constamment à reconnaître en nous ce que nous dénonçons, nos propres réactions ségrégatives, aliénantes, rejetantes. Pendant le temps des graffitis et des discours, continue à végéter et à pourrir, derrière ses murs, un monde fait d’autant d’atrocités et de tendresse que le monde qui lui est dit extérieur. Si la ruse du diable, c’est de nous persuader qu’il n’existe pas, la ruse de l’asile, c’est de nous faire croire qu’il existe en un lieu appelé hôpital psychiatrique. L’asile est au-dehors, comme au-dedans ; avec des gens, à l’intérieur et au-dehors, aussi aveuglés par ce qu’ils sont, aussi empêtrés par ce qu’ils font. C’est pour aboutir à plus de clarté dans ce qui manipule les personnes, les paroles et les actes dans une institution que j’ai entrepris ce travail, loin, il est vrai, des arbitrages idéologiques qui ont déjà tranché, soit entre la folie et la raison, soit entre le fou et la société. Que se joue-t-il à l’intérieur d’une institution, comment s’y noue un sens à reconnaître, quelles règles en ordonnent le langage ? Entreprise réformiste, peut-être, mais dont chaque jour je reçois des exemples que c’est une entreprise qui reste à mener. » (Extrait de l’Introduction.)