12 septembre 1959 : ce jour-là, pour la première fois, un objet fabriqué par la main de l'homme — Lunik II — échappe à l'attraction terrestre, pour atteindre un autre monde : il s'agit donc bien là d'une date-tremplin de la civilisation spatiale. Elle concrétise une notion très ancienne : dans l'espace, gravitent des mondes, dont l'étendue représente des centaines de fois celle de notre propre planète. C'est la naissance d'une industrie nouvelle qui, dix ans plus tard, occupera des millions d'hommes.Alors que, dans le monde, on ignore tout des conditions du lancement, et qu'il est impossible - sur la foi des seules informations diffusées - de reconstituer l'orbite de Lunik, alors que l'on se demande si l'expérience se déroule sous les auspices d'un simple lancement balistique, ou si la trajectoire de l'engin va être l'objet de correction, les techniciens soviétiques se croisent les bras. Ils attendent, ou plutôt ils observent. Ils savent que leur réseau de guidage a permis de contrôler la vitesse finale à quelques mètres/seconde près. Ils savent qu'avant l'annonce officielle de l'événement, la réussite de l'expérience était déjà largement acquise, et que Lunik II « tombera » inéluctablement sur la Lune.