La droite défend les institutions, et la gauche les occupe. Le grand public, qui n'y pense guère, ne les critique pas. La France aurait donc enfin trouvé son régime. Mais d'abord quel régime ? On ne peut pas appeler République l'abandon total du pouvoir, et sa concentration totale au profit d'un chef élu. Ou alors le mot n'a aucun sens. Donc, première constatation, la Ve République n'existe pas. À vrai dire, on ne devrait même plus parler de Constitution. Le document qui fait autorité en cette matière, la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, précise qu'une société dans laquelle la séparation des pouvoirs n'est pas assurée n'a pas de Constitution. Or, tel est exactement notre cas. Quant à la Constitution de 1958, ses intentions n'étaient pas toutes pures, mais c'est une justice à lui rendre qu'elle n'avait pas prévu le système qu'elle a engendré. La réalité politique est celle d'une monarchie absolue, pas plus féroce d'ailleurs que celle de Louis XVI : en fait, très faible. Car la force (à moins de recourir à un système totalitaire) ne pourrait venir que de la démocratie, laquelle est réduite à un abandon qui n'apporte nul soutien. D'où résulte que l'omnipotence monarchique a été parfaitement à son aise, pour ne pas faire grand-chose, aux temps de la prospérité facile. Avec le général de Gaulle, son immobilité fut majestueuse et, avec G. Pompidou, paisible. Mais la crise mondiale a commencé en 1974, et les deux autres Présidents allaient avoir devant eux les tâches les plus rudes. Beaucoup plus rudes que la monarchie n'était capable d'en affronter, avec la douteuse aristocratie qui la seconde et l'influence. Elle s'est donc attaquée à des changements politiques, c'est-à-dire dans une large mesure artificiels, forcément décevants, et qui caractérisent aussi bien le septennat de V. Giscard d'Estaing que celui de F. Mitterrand jusqu'à ce jour. L'épreuve provoquera-t-elle une réforme du système ? C'est possible, car les perspectives sont assez sombres pour susciter une réflexion, même en haut lieu.