Alcools, le recueil d'un mystificateur, auteur de complaintes sans queue ni tête (Fernand Fleuret), ou le fruit du travail d'un artiste, ce travail qui fait la valeur d'une œuvre d'art (méditations esthétiques) ? Le poète se dégage toujours, désespéré et rieur, lyrique et truculent, épris de savoir et de plaisirs. Comment concilier rire, larmes et savoir, dérision, lyrisme et connaissance ? En un pluriel de tons, de voix, d'images, de temporalités, d'espaces, Apollinaire dialogue avec sa propre existence, tramée de mésaventures amoureuses, avec la poésie, avec les esthétiques contemporaines ou antérieures. À la dette contractée auprès des aînés, s'ajoute le désir de s'ouvrir au présent et de prophétiser l'avenir : cette position transitionnelle — et non transitoire — que la chronologie du recueil vérifie en partie, situe Alcools dans le paysage littéraire français, dans le sens où Max Jacob, ami de Guillaume Apollinaire, le définissait : Tout ce qui existe est situé. [...] Dans les grandes époques artistiques, les règles de l'art enseignées dès l'enfance constituent des canons qui donnent un style : les artistes sont alors ceux qui, malgré les règles suivies dès l'enfance, trouvent une expression vivante. [...] L'auteur ayant situé son œuvre peut user de tous les charmes : la langue, le rythme, la musicalité et l'esprit. Quand un chanteur a la voix placée, il peut s'amuser aux roulades.