Le texte rêve : manière de dire qu'un écrit littéraire vit une vie nocturne et que, de cette vie, nous pouvons entrevoir quelques fantômes. Manière de reconnaître qu'un lecteur attentif peut amener un tel écrit à raconter, dans une autre langue, ce qui se passe sur la scène obscure qu'on dit être celle de l'inconscient. Manière de suggérer que le critique peut éclaircir, un peu, la nuit, reprendre en écho la rumeur, afin que le public sache où porter ses pas, à quoi prêter l'oreille. Pour que lecture et écriture manifestent leur séduction, en donnant occasion à quelque vérité de se produire au jour, il faut qu'elles nous fassent rêver, il faut qu'elles nous incitent à rêvécrire, chacun pour son propre conte... Le dernier grand ouvrage de Stendhal embarrasse : il est inachevé et, surtout, il fait peur. Roman d'apprentissage, il montre une fille de rien et de nulle part qui, au plus près de soi, entreprend de se construire sur une exigence de vérité, au milieu de l'universelle imposture. Elle ne trouvera sa voie et son salut que dans les bras d'un flamboyant criminel, parmi les mines de la société et de la morale. Postulant la profonde cohérence libidinale d'une œuvre problématique, Lamiel, scandaleuse et peut-être encore inacceptable aujourd'hui, est ici rêvée du côté de Lulu.