L'Asie continentale, le Heartland ou pivot mondial des premiers géopoliticiens, enfin réalisé au cours des années 50, de Berlin à Pékin, n'aura pas dominé le monde. Dès les années 60, la rupture nationaliste et idéologique entre l'U.R.S.S. et la Chine, aura brisé le plus grand des empires bâtis depuis l'éphémère expansion mongole. Les années 90 marquèrent la seconde phase de la cassure du pivot, le démantèlement de l'Asie musulmane soviétique, et le début d'ébranlement de l'Asie centrale chinoise. Depuis les années 70, cependant, l'Asie insulaire avait effectué un immense bond économique et culturel, se répandant en tache d'huile du Japon vers l'ouest et le sud, quatre dragons et Asie du Sud-Est, telle l'inaccessible sphère de coprospérité. L'archipel dynamique assimile presqu'îles et îles, puis attire dans son système le littoral d'une Chine communiste en ouverture à demi contrôlée, et une Inde jusqu'ici paralysée par les luttes ethniques et religieuses. Au sud-est et au sud-ouest, le monde musulman tremble de toutes ses nations, de l'Afghanistan au Kurdistan, pour les Indo-Européens, de l'Irak à la Palestine pour les Arabes, chaque État étant en proie à des secousses internes, ethniques ou religieuses, et à des conflits tièdes ou chauds avec ses voisins. Guerres israélo-arabe, libanaise et iranienne, et coalition anti-irakienne, ponctuent fortement les différentes étapes du réveil islamique. Or, la dynamique islamiste, avec ses volets intégristes et fondamentalistes, appuyée par la logistique financière pétrolière, pénètre en force dans les États musulmans de la CEI et s'enfonce loin vers le Turkestan chinois, ou encore au cœur du monde indien et en Insulinde jusqu'aux Philippines. Enfin, à l'ouest, elle reconquiert une Turquie plus émancipée et freinée dans son élan européen. L'Asie massive, des Russie, Chine et Inde, se voit écartelée par les tenailles du marché mondial, à l'est et à l'ouest, et par celles de l'islam et des héritiers lointains des vieux empires perse et turc, au sud-ouest. Un jeu d'ébranlement interne s'accélère par l'écartèlement externe, au sein même du plus vaste des continents de la planète.