La confrontation de la vie et de l'œuvre retrouve une jeunesse lorsqu'on s'avise qu'il n'est pas là de face-à-face mais que l'œuvre intervient, partenaire turbulent, dans le quotidien, que le vécu surgit dans l'écrit, non pour se dire, mais pour infléchir une parole qui ne soupçonne guère sa présence. Moins déroutants que déroutés, les textes des Fleurs du Mal révèlent, à travers les dérobades de l'attendu, les gauchissements de l'évidence, ces quelques faits dont le retentissement dans la sensibilité et l'imaginaire de l'auteur fut décisif. Ils sont peu nombreux, clandestins, liés — qui s'en étonnerait ? — à l'enfance et au travail qu'opèrent sur elle la mémoire, la nostalgie, le rêve. Les deux premières parties de ce livre en établissent, de poème en poème, l'autorité. Mais ces énergies se concrétisent en œuvres que gouverne une poétique elle-même conduite selon les hauts et les bas de l'espérance et nourrie de choix clairement conçus. Si la bouche cruelle du poète éparpille en l'air cervelle, sang et chair, c'est pour qu'un globe lumineux et frêle prenne son essor. En un troisième temps, cet ouvrage vise à déceler par quelles voies le plus curieux martyr de tout Paris a pu, de ses tourments, faire si souvent un songe d'or.