Quand on a érigé en méthode critique de prêter l'oreille, et même de prêter la main, au travail inconscient qui s'effectue dans un ouvrage littéraire sans tenir compte des intentions, de l'existence, de la présence de l'auteur, que se passe-t-il lorsqu'on lit une autobiographie ? Pour la psychanalyse, une saisie autobiographique du désir est impensable : il y faut du transfert, au moins la rencontre d'un lecteur et du texte. Au terme d'une longue et subtile connivence, on aboutit à quelque chose comme une bi-autographie inconsciente. Trois livres de cette sorte — Vie de Henry Brulard, Les Vases communicants et L'âge d'homme - soit en gros : avant Freud, à côté de Freud, après Freud — aident à comprendre pourquoi et comment, pour une lecture textanalytique, un roman de pure fiction et le récit de vie le plus fidèle à la réalité ne présentent pas de différence sensible. C'est sans doute que l'écriture a pour vertu (et pour exigence) de faire découvrir à l'écrivain, comme à tout lecteur attentif, la mélodie qui, dans une œuvre, ne chante qu'en sourdine et avec accompagnement. Ce qui vaut pour l'écriture de l'artiste, doit valoir également pour l'écriture seconde de ses accompagnateurs : on écrit toujours au-delà, en avant de ce que l'on compose, comme on lit dans l'après-coup de ses surdités. Loi rude, mais exaltante.