Il n'y a pas de fidélité sans amour, mais l'amour n'est pas toujours fidèle. La fidélité implique la durée mais, en même temps, elle est en conflit permanent avec cette même durée. Car elle est la promesse risquée que ni le temps que je vis, ni l'histoire dans laquelle je vis, n'altéreront mon être pour l'autre. La fidélité est un défi lancé au changement et au vieillissement. Cette promesse aliène certainement ma liberté mais, en même temps, elle constitue la seule manière possible de rendre ma liberté concrète, de me faire sortir de l'indécision qui ruine ma liberté. La fidélité nous contraint à repenser les deux valeurs fondamentales de l'existence humaine que sont la liberté et l'authenticité. La vie sociale ne peut faire abstraction de la fidélité, mais elle ne parvient pas à l'institutionnaliser. Elle est contrainte d'inventer des analogies institutionnelles de la fidélité, par exemple le contrat, mais celui-ci avec toutes les conditions et les réserves qu'il comporte, ne peut être qu'une forme utile mais abâtardie de la fidélité. Ce qui fait la valeur irremplaçable de la fidélité, c'est qu'elle nous permet sinon de vivre, du moins d'entrevoir une réconciliation possible de l'historicité et de l'éternité.