Le 27 juillet 1978, un intellectuel viêtnamien francophone quittait définitivement Hô-Chi-Minh-Ville et choisissait l'exil avec ses quatorze enfants. Avant lui et après lui, des milliers de Viêtnamiens du Sud ont préféré fuir, le plus souvent dans des conditions dramatiques, une patrie et un système dans lesquels ils ne se reconnaissaient plus. Après trente années de guerre et d'héroïsme, ce terrifiant exode a profondément troublé tous ceux qui, en Occident, avaient soutenu le Viêt Nam dans son combat libérateur. Des polémiques sont nées chez nous, souvent simplificatrices et rarement innocentes. La mauvaise conscience n'est pas bonne conseillère... Viet Tran, en effet, n'était pas de ceux qu'une quelconque compromission avec les dictatures pro-américaines de Saigon incitait spontanément à partir. Patriote convaincu, proche des maquisards du FNL depuis des années, tout en refusant le dogme marxiste léniniste, il n'avait pas pleuré, loin s'en faut, à la chute de Saigon en avril 1975. Il avait cru y voir, avant tout et comme beaucoup de ses compatriotes, un triomphe du patriotisme viêtnamien. Il se disposait donc à participer à la reconstruction de son pays et pensait pouvoir s'intégrer, tant bien que mal, au nouveau système. Une douzaine de mois ont suffi à ruiner ses illusions. Le régime brutal, corrompu, oublieux de toutes les promesses passées qui a progressivement pris en main les destinées d'un Sud meurtri et méfiant, ne lui laissait d'autre choix que de partir. Avant de quitter Hô-Chi-Minh-Ville, Viet Tran a discuté pourtant des soirées entières avec des camarades maquisards, retrouvés trente ans après et devenus les cadres politiques du nouveau Viêt Nam. Son histoire est d'abord celle d'une grande occasion manquée. Son témoignage, dans sa modération même, dérangera beaucoup.