Longtemps négligée par le continent ou, ce qui est pire, objet d'une curiosité goguenarde venue de l'hexagone, la Corse, soudain, ne fait plus sourire. D'un plasticage à l'autre, de colère en colère, l'évidence a fini par s'imposer après le drame d'Aléria en août 1975 : le malaise corse ne doit rien au folklore. La brutale émergence du mouvement autonomiste après le traumatisme d'une mise en valeur maladroite, sa radicalisation ultérieure et les tentations armées d'aujourd'hui ont troublé l'opinion et le gouvernement. Une vraie guérilla s'installera-t-elle demain entre Bastia et Propriano ? Comment cela a-t-il été possible ? Enverra-t-on un jour des troupes de combat sur ce rocher national ? Sur place, cette explosion a quelque peu pris au dépourvu une gauche officielle embarrassée par la vigueur de certaines revendications qualitatives. Sur le continent, en revanche, la fascination qu'exerce l'idée autonomiste sur les intellectuels, ne va pas sans complaisance ni irresponsabilité. Le pouvoir,quant à lui, fait alterner crispations absurdes et reculades précipitées. Île à la dérive, poudrière inquiétante : ceux qui savent ne minimisent pas en tout cas la gravité de la situation. Les autonomistes, aujourd'hui en perte de vitesse, ont porté témoignage d'une crise indiscutable. Ce fut leur mérite. Ils n'ont pas, pour autant, le monopole de la lucidité, et leur projet demeure passablement confus. Pouvait-on examiner froidement le dossier corse ; dénoncer l'incroyable gâchis de la politique officielle et l'injustice imposée à un peuple aujourd'hui dépossédé de lui-même, tout en disant leur fait aux exaltés ? C'est le pari que tient ici Antoine Ottavi, linguiste averti, historien militant, très écouté en Corse, L'avenir de l'île, selon lui, n'est pas séparable de celui du continent. Son analyse ne ménage ni le pouvoir ni les autonomistes. Elle dérangera donc. C'est bon signe.