Dans Le Midship déjà, deuxième livre de l'auteur, une petite fille sans nom montrait le bout de son nez. Le temps de quelques mots, l'espace de quelques lignes, elle refit surface, toujours anonyme, dans presque tous les romans qui suivirent. Une telle persévérance méritait bien qu'on la nommât, enfin, comme ces médailles qu'en fin de carrière on remet aux vieux serviteurs méritants. À quoi ça tient, la création... Kary Karinaky, donc, 1948-1975. De la première guerre israélo-arabe à la mort de Staline, de l'Algérie à Budapest, du Congo au mur de Berlin, du Viêt Nam à l'agonie de Franco, elle traversa son époque comme un brave petit soldat, avec la louable intention d'essayer d'y comprendre quelque chose. Y serait-elle parvenue, que le monde des lettres aurait sans doute fait l'économie d'un titre supplémentaire. À quoi ça tient, la littérature... Une grand-mère de carte postale et un père à peine... fantasque firent ce qu'ils purent, de leur mieux, pour l'accompagner sur les chemins de la vie. Y seraient-ils parvenus, que Kary se trouverait peut-être encore parmi nous, quelques cheveux blancs en plus, à souffler les bougies de son gâteau d'anniversaire. À quoi ça tient, l'existence...