Aucun individu, aucun groupe et pas une société ne peuvent se passer – durablement – de produire du sens. Du sens, c'est-à-dire un horizon discernable, un système de références, un fondement quand ce n'est pas, plus modestement, une simple raison de vivre, de survivre et d'espérer. Ils s'y emploient donc et y parviennent, même quand, périodiquement, le défi, le déni ou le dépit veulent tuer ou exténuer le sens. Mais produire du sens fut sans doute, dans l'histoire, l'entreprise la plus difficile qui soit. Et elle le reste. Il s'agit d'unir ce que tout devrait opposer : le sens venu ou imposé de l'extérieur – la transcendance – et celui — immanence ou autoréférence – venu de l'intérieur. Cette question du sens hante aujourd'hui plus que jamais nos sociétés au ciel vide, nos groupes en panne de transcendance. Or, les Grecs, en leur temps, et en même temps qu'ils inventaient la politique – ce qui n'est pas un hasard –, ont créé la matrice vers laquelle maintenant encore nous retournons quand nous voulons créer du sens, ruser avec lui, apprendre même – provisoirement – à nous en passer. Comment les Grecs ont su résoudre cette question fondamentale, voilà ce que Yves Barel propose ici de raconter. Si ce livre était un roman ce serait un roman à clefs. Car c'est bien de nous, en cette fin du XXe siècle, qu'il est aussi question.