C'est il y a un siècle. La Lorraine a encore les couleurs de la terre. Vignes et houblonnières s'étagent aux flancs des côtes de Moselle, autour des villages aux toits de tuiles. Puis vient la sidérurgie. Avec elle, des dizaines de milliers d'hommes : arrachés à la vie des champs, bientôt déportés de l'Europe entière. Ces paysans, ces immigrés, ignorent l'ordre, la discipline nécessaire à l'âge du fer naissant. Ils boivent, ils battent la campagne, ils font le coup de poing ou le coup de feu. Ils vagabondent. Ils ne forment pas encore une classe pour soi, comme dirait Marx. Un jour, pourtant, ils plieront sous la loi du chagrin – du travail industriel. Plus tard encore – aujourd'hui – ces hommes à qui on a mis le fer dans la peau, ces ouvriers fixés, à quel prix, on n'aura plus besoin d'eux : de nouveau l'errance – celle du chômage, cette fois. Pour dire ces années de bruit et de fureur, il fallait un peu de révolte dans la plume : voici une histoire sérieuse, grave, mais aussi un tantinet éméchée, batailleuse, rebelle.