Freud, un enfant de l'humour ? Ma vie n'a d'intérêt que dans son rapport avec la psychanalyse affirmait, voici un siècle, ce grand praticien et théoricien de l'humour que fut Freud. Aussi, de ce point de vue, ne peut-on que s'interroger sur la relative mésestime en laquelle il a tenu son livre Le mot d'esprit et sa relation à l'Inconscient, bien que cet ouvrage, écrit et paru en même temps que les Trois essais sur la théorie sexuelle, ait contribué, à l'évidence, aux fondements de la science nouvelle. Pourquoi semblable dépréciation ? Comment comprendre une telle réserve de la part d'un défricheur, familier de terrains autrement plus aventureux et osés ? Quels mystères recèle donc l'histoire juive pour que le maître, après s'être tu pendant vingt-deux ans, éprouve cependant la nécessité d'y revenir dans ce petit article, tout autant énigmatique que constitue l'humour ? C'est que le livre de 1905 appartient aussi aux matériaux de l'auto-analyse et que, à travers le mot d'esprit juif, dans cet effort pour s'approprier son histoire, le fils Freud s'est trouvé ici directement confronté à l'énigme de son identité. Une identité inscrite dans la judéité qui, si elle renvoie bien entendu à Jacob, son vieux juif de père, ouvre, plus sûrement encore, sur sa belle et jeune mère Amalia, conquise par son premier fils. De fait, à côté des motifs politiques justifiant une telle retenue – éviter à la psychanalyse l'étiquette de science juive – il faut envisager l'existence de mobiles proprement intimes. En se livrant à l'analyse de cet humour juif, qui le séduit tant et qu'il a hérité de son père, Freud découvre, caché derrière ce dernier, le personnage majestueux de la mère des premiers temps. Ainsi – et bien qu'il s'en défende – c'est à l'élaboration métapsychologique du lien à la mère des origines, que Freud nous convie et nous conduit, à travers l'humour dont elle constitue indéniablement la matrice.