Sensible à la routine qu'engendre un usage répétitif et mécanique du langage, c'est, paradoxalement, à la pratique même de la répétition, que Ponge recourt pour contrarier cette tendance. Qu'il s'agisse de la langue ou du discours, la répétition lui sert à renouveler le déjà dit, par un travail qui touche aussi bien l'étymologie que le proverbe, les locutions figées ou le cliché. À différents titres, le goût de la tautologie ou de la compilation (appliquée au dictionnaire, comme à ses propres textes) témoigne de cette obsession de la répétition, véritable principe d'écriture, dont Ponge affirme qu'il suit le mouvement même de l'esprit. La tactique d'édition des avant-textes – brouillons, notes, dossiers qui n'ont pas leur statut ordinaire de variantes – témoigne encore du rôle particulier de ce procès. Montrer de quelles manières ces pratiques font jouer la répétition, et déterminer le rôle de celle-ci dans l'engendrement autocitationnel du texte, tel est l'objectif de cet essai qui, s'en tenant à cet aspect de l'œuvre de Ponge, appréhende ce qui constitue, sans aucun doute, sa plus grande originalité.