On les veut chastes et soumises ; on les marie contre leur gré ; on les vend au plus offrant. Et pourtant, l'Angleterre élisabéthaine est "le paradis des femmes". Sous la glace, couve un volcan : l'orpheline se venge du destin, l'épouse-enfant devient adultère, voire empoisonneuse. Elles se parent avec ostentation, abusent des fards et des onguents, vendent leurs charmes pour quelques pièces. Elles jettent des sorts, perdent leur vertu au théâtre, s'élancent du haut d'une tour dans les bras de leur amant, se remarient encore, drapées dans leurs voiles de veuves. En vain les puritains tentent-ils de les ramener à la raison - celle des hommes.Mais elles savent lire le grec et le latin, écrire des vers et composer de la musique. Elles dirigent boutiques et entreprises, soignent les malades, et construisent des châteaux. Les hommes les vilipendent mais, par amour pour elles, ils perdent fortune et honneurs.La mort d'Elisabeth Ire, "reine des abeilles", met-elle fin à leur règne ? Pas véritablement. Jacques 1er, homosexuel et chasseur de sorcières, ne saura pas mieux les dompter, que ne l'avait fait Henri VIII, lubrique et paranoïaque. Pendant plus d'un siècle, les femmes mènent la danse dans la joyeuse Angleterre, sur la scène du théâtre de Shakespeare, comme sur celle de la vie. Le rideau ne tombera sur elles que bien plus tard.Désespoirs, luttes, vengeances, ambitions, triomphes modestes ou éclatants, Catherine Bernard-Cheyre nous fait partager la vie de ces femmes dans une Angleterre en plein tumulte, encore ébranlée par des conflits religieux. Le récit se nourrit de détails et d'anecdotes, s'attarde sur des figures particulièrement captivantes, et sur leurs destins tragiques ou brillants. Sans pour autant négliger la foule des anonymes : marchandes des quatre-saisons, paysannes, infirmières, brasseuses de bière, laveuses ou prostituées, toutes celles qui, jour après jour, font vraiment l'histoire des peuples.