Il n'y a pas si longtemps, la philosophie est passée de l'autre côté du miroir et, réduite à un reflet, sa voix s'est évanouie. On n'entendait plus les philosophes. Chacun, rangé sous son clocher, cultivait son jardin : science, histoire ou politique, selon l'humeur des gens et des jours. Qui donc a chassé l'écho de la parole philosophique, sinon le pouvoir ? Pouvoir de la science, pouvoir de l'histoire, pouvoir du pouvoir. Mais, comme l'explique Jean-Toussaint Desanti dans ces entretiens conduits par ses anciens étudiants, Blandine Barret-Kriegel et Pascal Lainé, il y a pouvoir là où s'installent le silence et la barbarie. Il y a silence et barbarie là où sont assignés, discrètement, en des citadelles retranchées, les spécialistes. Tout devient difficile et étranger, et tout nous condamne à l'enfermement, quand le savoir se partage en appropriations privées. Vienne alors la philosophie du voyage, qui brise les frontières et démasque les secrets pour révéler à tous les usages de fabrication, rendre la parole confisquée, et mettre fin à la terreur des discours. Le temps revient où la voix - qu'on disait muette - d'un philosophe comme Desanti, se fait entendre.