Le passé n'est jamais mort. Il n'est même pas passé dit, quelque part, un personnage de Faulkner. Le lamento est son prolongement sonore dans le présent, plus qu'une forme, un des modes de l'être. Celui d'Ariane habite nos mémoires, ce réveil dans la dépossession, et comme un souffle qui la quitte. Mais ce n'est là, jetée au-delà d'elle-même, qu'une voix dans le chœur élémentaire. Tant d'autres, depuis toujours, ressassent l'absence et le vide, se tordent longuement dans le vent que laisse, après lui, ce qui leur a été enlevé, ou s'est tout à coup détourné, ou n'aura pas voulu s'attarder. Eurydice n'en finit pas de disparaître. C'est peut-être cela aussi, la poésie, une musique qui persiste après la disparition, une aile oubliée sous les combles. On ne se déplace qu'avec sa faim. On emporte au désert le torrent dont on a été les cailloux bousculés.