Le quartier de la place du Pont à Lyon, quartier immigré, quartier populaire, quartier historique, était le dernier témoin vivant des vagues d'immigration, qui ont fait escale à Lyon au cours des siècles. Russes, Allemands, Grecs, Italiens, Espagnols, Arméniens, Juifs, Bulgares, Maghrébins... ont laissé, dans ses ruelles étroites - rue de l'Épée, rue Moncey, rue Villeroy, rue Marignan – le souvenir de leur entrée en ville, de leur exil pour la survie. Au-delà de la mémoire de ces épopées migratoires, ce lieu a longtemps cristallisé les haines, les psychoses et les fantasmes des Lyonnais. Considéré comme un foyer d'infection, de délinquance, de contamination, de rébellion, de prostitution, de clandestinité, abandonné au pourrissement... il a fini par entrer dans les programmes des élus et des aménageurs. Un monument-phare a été posé au milieu de la médina. Désormais la lumière éclaire le quartier réfractaire. Tout sera vu. Exit l'immigré à burnous et chéchia, exit le souk, exit les odeurs de l'ombre. La reconquête a consisté à rendre la place du Pont à la fluidité. Stationnement exotique interdit. Telle était la destinée de ce quartier, appelé aussi au début du siècle le Triangle du crime.