Le présent ouvrage propose de reconsidérer les schémas qui orientent souvent le discours récent sur la filiation et l’héritage à partir d’un cas de figure précis : celui de l’appropriation productive de textes qui appartiennent à une tradition éloignée. Le corpus à l’étude est constitué de romans, de nouvelles et de recueils de poèmes québécois parus entre 1989 et 2011, qui proposent un dialogue intertextuel et/ou hypertextuel avec les œuvres de Thomas Bernhard et de Peter Handke. L’examen attentif d’un tel dialogue entrepris par sept écrivains québécois (Normand de Bellefeuille, Diane-Monique Daviau, Denise Desautels, Nicole Filion, Catherine Mavrikakis, Rober Racine et Yvon Rivard) dévoile que les revers dans la transmission ne consacrent nullement l’empêchement de l’auteur contemporain de se tourner – de manière parfois fulgurante – vers des modèles élus, inattendus. Ici, une telle association à des auteurs du canon littéraire germanophone est interprétée à la lumière du concept d’affiliation, qui évoque une adhésion choisie à des contenus d’héritage, mais par laquelle l’écrivain contemporain ne met pas en péril l’originalité profonde de sa propre démarche. Le concept permet ainsi de décrire le travail d’écrivains contemporains qui ne se contentent pas de développer de réelles formes d’appropriation et/ou de réception productives, mais dont l’entreprise tend à renforcer leur propre signature d’auteur dans le lien qu’elle développe avec un héritage littéraire. Les principes de l’affiliation sont exposés à partir d’une typologie quadripartite qui permet par surcroît de relever des modes d’appropriation du canon au sein de textes contemporains et d’éclairer les inflexions spécifiques qu’adoptent ces modes d’appropriation dès lors qu’il est question d’un héritage issu d’une tradition étrangère.