Jane Dieulafoy (1851-1916), la dame qui s'habillait en homme, dont certains de nos contemporains se souviennent encore, est extraordinaire à bien d'autres titres : épouse inséparable de Marcel, ingénieur et archéologue, elle fait à ses côtés, en guise de voyage de noces, l'expérience de la guerre franco-prussienne sur le front de la Loire, où elle revêt l'uniforme de franc-tireur. En Perse, cette jeune femme protéiforme, qui ne quittera plus l'habit masculin, se fait exploratrice, ethnologue et grand reporter. De la mer Noire au golfe Persique, elle ne quitte pas ses bottes, son casque colonial et sa carabine automatique. À Suse, qui deviendra le plus important chantier archéologique français du Proche-Orient, elle se révèle authentique archéologue, dégage les célèbres frises des lions et des archers de Darius dont, plus tard, elle dirigera la reconstitution au musée du Louvre (où deux salles ont porté son nom). À Paris, elle raconte ses missions en Perse et fait la une des grands journaux. Jane aborde alors la carrière littéraire : relations de voyage, romans historiques et modernes, conférences et articles dans Le Temps et Le Figaro, où elle tient une rubrique de politique internationale. Le salon Dieulafoy, où Jane, coiffée à la garçonne, reçoit en redingote et pantalon, est l'un des plus vivants du début du XXe siècle, réunissant membres des différentes académies, hommes politiques, écrivains, mais aussi musiciens et artistes. Jane fréquente Pierre Loti, Juliette Adam, collabore avec Camille Saint-Saëns pour son opéra Parysatis et préside le premier jury de La vie heureuse, ancêtre de notre prix Fémina, en compagnie de Séverine, Gyp et Anna de Noailles. Elle milite pour l'accès des femmes aux services auxiliaires de l'armée et pour l'avènement de la femme moderne. Compagne de l'homme dans l'égalité, la liberté et la différence, femme d'action et d'observation, que tout intéressait, Jane Dieulafoy a voulu et connu un destin d'homme.