Écrire l'histoire de la frontière du Nord, de la mer à la Meuse, et du partage de Verdun à 1945, est un projet qui, depuis longtemps, habitait l'auteur. Né et grandi — comme tous les siens d'autrefois et de jadis — dans cette trouée de l'Oise qui, des légions de César aux troupes de Hitler, fut foulée par tous les envahisseurs, il a éprouvé, en l'écrivant, l'impression de raconter sa propre histoire, élargie aux proportions de celle de l'Occident européen. Frontière ? À partir du duché des Francs, matrice de notre pays, les rois vont forcer, pendant des siècles, de repousser vers le nord, pour se protéger et pour s'étendre, un domaine fragile et menacé. Frontières ? Pendant des siècles, pas de frontières nationales en Europe ; le mot même de frontière n'apparaîtra jamais avant les traités des limites de la fin du XVIIIe siècle ; on ne connaissait que des marches séparantes âprement disputées d'ailleurs. Quant aux frontières naturelles, ce ne furent que chimères forgées sur l'enclume des Commentaires de César ; Paris et la France n'ont été défendus, au long des siècles, que par des villes, véritables sentinelles du royaume. Sans cesse remise en question, notre frontière septentrionale est restée, à peu près aujourd'hui, ce qu'elle était à la fin de l'Ancien Régime ! Fruit d'une longue et tragique histoire, cette frontière n'a été déterminée ni par le terrain, ni par les mœurs des populations, ni par leurs langues ; elle n'est que l'expression d'un équilibre européen, établi au XIXe siècle au terme des conflits qui, pendant plus de mille ans, ont ensanglanté l'Europe.