Officiellement la localité s'appelle Traiskirchen. Les passagers en transit disent Transitville, ou bien la salle d'attente, chacun dans sa langue nationale. Certains l'affublent de noms fantaisistes, dans le genre on s'tire en ville, je m'taille-bourg, filles de l'air City, adieu ma mère... Plus de mille arrivages par mois : il s'agit bien d'une ville de transit, au cœur de l'Europe, à deux pas de Vienne ; une gare de triage, hantée par des voyageurs sans bagages, presque tous arrivés en secret. L'auteur y arrive un jour, seul, son magnétophone en bandoulière. L'auteur : Tibor Tardos, hongrois, exilé, de cet exil qui ne se termine jamais : parti de Budapest après 1956, il a été l'un des plus brillants représentants du Cercle Petöfi qui a animé un instant la révolution des Conseils ouvriers, avant l'écrasement par les chars russes. Depuis vingt-cinq ans, il regarde vers l'Est : Budapest est à une heure d'avion de Paris. C'est un dur métier que l'exil... Il va à leur rencontre : eux, ses semblables, qui affluent aux frontières de l'Est, qui sont-ils ? Ici pas de dissidents connus, militants aux trajectoires exemplaires. Des multitudes de cas personnels, dont seuls le quotidien, l'humilité, la banalité même, font parfois la grandeur... Bien mieux qu'une analyse politique en bonne et due forme, ce livre répond avec humour et émotion aux questions de tous ceux qui, sans s'arrêter aux propagandes des deux bords, s'interrogent devant cet afflux ininterrompu : pourquoi ces départs, pourquoi l'exil ?